« Amen ». Drôle de choix pour le nom d’une exposition. Et pourtant. Amine Landoulsi, nous l’avons rencontré, avant et après le 22 février 2018, jour de l’ouverture de sa première exposition personnelle. Ce sont deux hommes bien différents, et c’était d’ailleurs ce qu’il cherchait avec « Amen ».
En offrant ses photos au public, il ôte son costume de photographe professionnel pour essayer celui de « photographe-auteur ». Il n’est pas encore à l’aise avec le titre d’artiste. Il laisse aux autres le soin de décider s’il en est un ou pas. Et pourtant, l’art est bien là, palpable, visible. Dans les un peu plus de 80 photos accrochées aux murs de la maison de l’image, on sent déjà que l’artiste vit dans le photoreporter (où l’inverse ?).
Amine Landoulsi est un peu comme un chat. Il a 7 vies. S’il s’est amouraché de ce qu’on appelle le 8e art dès l’adolescence. Il faudra attendre 2011, avant qu’il n’embrasse la carrière avec Associated Press. Entre temps, il se perdra dans la restauration. Mais il est comme ça Amine Landoulsi, il fonctionne par cycles, par périodes. Fini le temps du photographe reporter, place au photographe artiste. Avec cette exposition, la messe est dite. Amen c’est le début de la fin, la fin du début.
Quand on lui demande comment il appréhende cette première exposition, il nous répond qu’il n’est pas anxieux, qu’il vit l’instant présent. Il cite Nejib Mahfoudh, un auteur qui l’a éduqué « le présent c’est ce qu’on endure, le futur c’est ce à quoi on aspire et le passé c’est ce que l’on aime ». Et là, on rigole doucement, tendrement quand lors du vernissage les larmes envahissent ses yeux. L’émotion est palpable. Autant dans les photos que chez celui qui les a prises. « Amen » aurait pu s’appeler « Adieu », car c’est aussi une histoire de transmission. Le père est partout. Son père, décédé en 2009 fut son premier galeriste. Quand un été, il orne le mur de la maison familiale d’une des photos du jeune Amine, alors « photographe du dimanche », les dés sont lancés. Il nous dira « Je crois en Dieu sans pour autant être sûr qu’il existe, je crois en les choses que je vois ». Une déformation professionnelle de photographe sans doute. Ce qui marque dans ses clichés ce sont d’ailleurs les regards des personnes photographiées.
Amine Landoulsi est aussi un homme qui désarçonne, qui surprend. Pour un photographe ce n’est pas courant de n’avoir aucun lien avec l’objet « appareil photo ». Il peut le perdre, le casser, la seule chose qui compte pour lui ce sont ses photos. Autre surprise, il ne croit pas au mythe de « l’instant présent ». Pour lui c’est un exotisme que l’on attribue, à tort, à la photographie pour la mystifier. Il croit en le travail. Avant d’avoir « la bonne photo », il lui faut de nombreuses prises. Son travail est de créer l’instant, de l’espérer, de l’attendre, et il le fait avec succès.
Lors de notre première rencontre, il a à l’épaule son FUJI XPRO 2 qui ne le quitte jamais. Un réflexe qui l’a pris lorsqu’il travaillait pour l’agence de photographie turque. Le jour de l’exposition, l’appareil photo a disparu, c’est à son tour maintenant d’être photographié. Mais son pays reste pour lui une belle et infinie source d'inspiration.
Ses prochains projets ? Le mariage, les selfies et les murs. Tunisie prépare-toi, Amine Landoulsi, photographe-auteur arrive avec son appareil photo.
Crédit photo Cover : Inès Ben Azouz
Crédit photo : Inès Ben Azouz